Le château de Montastruc en Périgord a constamment mêlé la grande et la petite histoire, celle des nations, des grandes épopées qui les fondèrent, et celle plus locale de nos vallées de Dordogne et de leurs habitants. Les traces en sont encore lisibles aux parois des grottes, aux graffitis des sous-sols et des greniers. Elles sont presque perceptibles tant l’âme de cette grande maison vibre encore… Des cluseaux à la vénus sculptée à même le roc au Ve siècle jusqu’aux temps modernes, Montastruc est imprégné de l’affection que ceux qui y séjournèrent ont développé pour ce site attachant et remarquable. En voici un exemple relativement récent:

Un arrêt forcé au Château de Montastruc

Dans la nuit du 9 mai 1940, l’armée allemande viole la neutralité du Luxembourg. La famille grand-ducale, exfiltrée par la France, quitte in extremis le château de Berg où elle se trouvait. Son exil passe rapidement par le château de La Celle-Saint-Cloud du 11 au 18 mai. Puis par le château du Vieux-Bost en Allier, propriété de François-Xavier de Bourbon-Parme sur la ligne de démarcation. Enfin au château de Montastruc en Périgord, sous la protection de la France qui y détache une section de tirailleurs sénégalais pour sa garde.

La vie locale s’organise alors au rythme des visites que SAR la grande-duchesse Charlotte de Luxembourg, son époux le prince Félix de Bourbon-Parme et leurs enfants effectuent dans le voisinage de Montastruc. 

Le 16 juin 1940, la dernière impératrice d’Autriche et reine de Hongrie et de Bohème, Zita, sœur de Félix de Bourbon-Parme rejoint les époux au château. En chemin d’exil, celle-ci retrouvant son frère passe par Montastruc, accompagnée de ses 8 enfants dont son aîné Otto de Habsbourg, archiduc d’Autriche et chef de la maison de Habsbourg-Lorraine. 

Zita & ses 8 enfants

On imagine les scènes de famille touchantes dans le grand salon de Montastruc. Tandis que le reste de la demeure et son grand parc baignent dans la lumière de juin.

Tous attendent là le visa du Portugal qui leur permettra de traverser l’Espagne et de rejoindre Lisbonne

L’exil au Portugal

Le consul du Portugal en poste à Bordeaux (Aristides de Sousa-Mendes, déclaré en 1966 « Juste parmi les nations ») refuse de suivre les ordres du gouvernement Salazar. D’ailleurs, à partir de la mi-juin, il délivre sans distinctions plusieurs milliers de visas aux personnes menacées souhaitant fuir la France. 

Les Luxembourg et les Habsbourg vont obtenir cet indispensable visa. C’est pour cela que la grande-duchesse Charlotte dira du consul Aristides de Sousa-Mendes :

« Son mérite, dans un temps de tragédie et de panique, sera toujours rappelé par les réfugiés luxembourgeois et ceux de ma propre famille, qui ont été sauvés par son initiative d’une persécution certaine et ont ainsi pu atteindre les pays libres. Son action humanitaire restera à jamais exemplaire de l’abnégation avec laquelle il s’est dévoué à la cause de la liberté et de la compréhension entre toutes les nations et toutes les races. »

Charlotte de Luxembourg, Grande Duchesse

 

Plus tristement, illustrant les menaces directes portant sur la famille grand-ducale, la sœur de la grande-duchesse, la princesse Antonia de Luxembourg, épouse du prince royal de Bavière, n’a pas eu la possibilité de s’exiler. Elle est déportée au camp de Dachau, puis de Flossenburg. C’est la-bas qu’elle subira la torture qui entrainera son décès rapidement après la libération… 

Le 17 juin, la grande-duchesse Charlotte rencontre à l’Élysée le président Albert Lebrun. Mais la victoire allemande conduit le gouvernement français à refuser d’assurer sa sécurité plus longtemps. Forte du visa portugais, elle obtient du gouvernement espagnol de traverser le pays sans pouvoir y rester pour gagner le Portugal dont sa mère était l’infante Marie-Anne de Portugal, princesse de Bragance.

Les Luxembourg et les Habsbourg sont désormais sauvés et peuvent quitter en convoi le château de Montastruc. Les deux familles ont passé des semaines sereines et heureuses, selon le témoignage du grand-duc Jean lui-même. Alors jeune-homme, il gardait un souvenir très ému de ce séjour forcé à Montastruc.

La lutte contre l’oppression allemande

La grande-duchesse Charlotte sera le 29 août à Londres où elle animera la résistance luxembourgeoise depuis la BBC. On la retrouvera en octobre aux États-Unis puis en novembre 1940 à Montréal où ses enfants poursuivent leurs études. Elle rencontrera à plusieurs reprises le président américain Franklin D. Roosevelt et parcourt les États-Unis, essayant de convaincre les citoyens américains d’entrer en guerre.

A partir de 1943, la grande-duchesse Charlotte s’installera définitivement à Londres avec le gouvernement luxembourgeois en exil. Elle s’adressera très régulièrement à ses compatriotes sur la BBC – elle deviendra le symbole de la résistance du pays, où elle reviendra le 14 avril 1945.

Charlotte de Luxembourg de retour d'exil

Terminons sur une note chaleureuse en visitant virtuellement le château de Montastruc. Retrouvez les nombreuses vidéos et photos du château en cliquant sur ce lien.

Splendide demeure historique privée, alliant grandeur et simplicité, restée avant tout une maison de famille, Montastruc peut devenir votre havre de paix pour une semaine ou plus. Le château est offert en location saisonnière, à toute période de l’année.

Les grandes cuisines 18e de Montastruc sont en cours de restauration et d’ aménagement. Un grand escalier conduit vers de superbes salles voûtées au pavage de pisé d’origine. On retrouvera de salle en salle le grand fournil ou boulangerie du château, les cheminées de cuisson avec une rôtissoire, et la grande pompe à eau qui poussait l’eau jusqu’à l’ étage…

Les grandes cuisines avant rénovation

Les grandes cuisines avant rénovation

La Venus ou Grande-Deesse de Montastruc / Montastruc Venus or Grand-Godess

La Venus ou Grande-Deesse de Montastruc

Une vénus sculptée à même le roc et réputée paléochrétienne, datée par certains du Ve siècle, au moment de la chute de l’empire romain et des grandes invasions barbares, est présente dans l’une des grotte du site troglodytique ancien du château de Montastruc.

Elle fut vénérée jusque vers 1970 lors des célébrations de la fête annuelle de l’Assomption de la Vierge Marie. Les paroissiens de Lamonzie-Montastruc venaient alors en procession présenter dans la grotte la Vierge de Lamonzie.Montastruc – Château de Montastruc (Dordogne)

Ci dessous, un extrait de la Société des archéologues gersois donne une intéressante perspective sur les origines de la vénus dite Grande Déesse de Montastruc…

 

Société Archéologique, Historique, Littéraire et Scientifique du Gers
Actes de la huitième journée des Archéologues Gersois Montréal-du-Gers – Seviac (28 aout 1985)
Publié à Auch en 1987
Pages 69 et 70 :

« …Il est donc manifeste que cette dernière série de cavités concerne des souterrains aménagés dans un but magico- religieux, dont l’utilisation était momentanée, et où il n’y avait pas lieu de résister et de se défendre. Leur affectation précise est encore le plus souvent impossible, mais on arrive petit à petit à cerner de mieux en mieux ce problème, grâce au nombre de cas connus qui grandit chaque jour. Ainsi, certains peuvent être affectés sans la moindre équivoque, à des manifestations cultuelles funéraires ; on en connait en effet beaucoup qui se développent sous des églises et sous des cimetières (11) ; ils sont à mettre en parallèle avec les fosses funéraires vides que l’on trouve dans les mêmes lieux, mais ou des rigoles et des conduits libératoires en contact avec manifeste avec des sépultures et les sarcophages, attestent qu’il s’agit bien de cultes funéraires (fig.4, d’après M. Ribas 1964). On considère alors ces fosses ou ces souterrains comme les demeures préparées par les vivants pour les esprits des morts. Le plafond a deux rampants de ces cellules que nous rencontrerons plus loin, qui évoque une toiture, s’explique aussi fort bien.

Lorsque le cimetière est absent et le souterrain isolé en pleine nature, il faut trouver une autre explication, mais toujours plus ou moins magico-religieuse et cultuelle. On doit alors penser aux vieux mythes chtoniens qui font de la Terre-Mère l’origine de toute vie, qu’elle soit animale, végétale, terrestre ou aquatique. Nous avons déjà eu l’occasion de rappeler (12) que les résurgences, grottes et sources étaient sacrées, parce que considérées comme les conduits utérins de la Grande Déesse, maitresse du monde souterrain, origine de toute vie dans la nature. Les ruraux on forcement toujours été particulièrement sensibles à ces mythes et, très conservateurs, ils les ont plus ou moins conservés depuis la nuit des temps. Il était dès lors tout à fait logique de penser à pratiquer des cérémonies cultuelles au cœur de cette Terre-Mère, pour la remercier et en renforcer l’attitude bienveillante. Nombre de ces souterrains-aménagés, découverts soigneusement clos pour éviter les intrusions de terre et d’animaux sauvages, sont certainement destinés à cet usage ou à l’initiation de desservants pour ce culte. Dans le Tarn-et-Garonne, le souterrain de Pessoles (commune de Mirabel) a livré une statuette (fig. 5) prise au début pour une vierge à l’enfant ;

elle ne correspond à aucun canon connu et est en fait une Déesse-Mère, les mains croisées soutenant son ventre où une tête d’enfant peut suggérer la spécificité génératrice. A huit mètres sous la surface, on avait bien voulu pénétrer au sein même de la Terre et un souterrain-refuge n’exigeait nullement une telle profondeur ; c’est donc bien d’un lieu de culte qu’il s’agit ici. Nous avons par ailleurs découvert une gravure sur bois (fig.6) dans un ouvrage du XVIe siècle (13), qui ne semble pas avoir été connue des spécialistes ; elle illustre parfaitement ce culte rendu à la Déesse du monde souterrain, qui tient ici un enfant, symbole de la Vie émanant de son sein. On y voit un adorant, la face contre terre, un homme en prière dans la position de l’orant et d’autres apportant en offrande des animaux du monde souterrain (renards). Les souterrains, figurés nombreux à dessein, ne permettent pas d’autres interprétations ; la plupart des entrées en sont figurées verticales, on remarquera cependant au premier plan qu’il y en a aussi d’horizontales donnant sur des puits verticaux.

Il ne faut pas oublier non plus la déesse nue assise (fig.7), mais sans enfant cette fois, du souterrain de Lamonzie- Montastruc en Périgord (15), qui conforte encore cette persistance de mythes lointains ; on y trouve également une figuration de renard… »